Lajoux et ses arbres remarquables

 En quoi un arbre peut-il être remarquable ?

 

Nous sommes tellement habitués à rencontrer des arbres dans nos forêts, nos jardins ou le long de nos routes que leur présence nous semble fort peu extraordinaire et que nous ne prenons guère le temps de les examiner un à un.

 

 

Ce manque d'observation nous prive d'intéressantes découvertes, car les arbres sont tous uniques et se distinguent les uns des autres par leurs particularités individuelles.

 

Et si, comme chez l'homme, la plupart d' entre eux n'ont pas de traits exceptionnels, d'autres, par contre, sortent de la norme, que ce soit par leurs dimensions monumentales ou leurs rares qualités esthétiques.

 

Les arbres présentant de telles caractéristiques sont d'étonnantes curiosités naturelles qui méritent notre admiration. Ils sont de ce fait nommés arbres remarquables.  


Pas moins de 7 arbres dits remarquables sont disséminés sur le territoire de la commune de Lajoux, répartis dans cinq essences différentes, à savoir :

  • le tilleul  

  • le frêne

  • le sapin blanc

  • le douglas 

  • le noyer  


 Le Tilleul (tilia sp.)

 

Ce feuillu aux proportions harmonieuses peut atteindre un grand âge (1000 ans) et une taille respectable.  C'est un arbre communément apprécié qui était fréquemment planté pour enjoliver ou mettre en évidence des endroits importants, tels les lieux de culte (chapelles et oratoires), les croisées de chemins, les limites cadastrales (arbres bornes) ou simplement les habitations, comme aux abords des fermes ou sur les places de village.

 

Il existe deux espèces de tilleul dans les Franches-Montagnes, le tilleul à larges feuilles (Tilia platyphyllos) et le tilleul à feuilles en coeur (Tilia cordata). Le tilleul est utilisé dans de nombreuses applications pratiques : la tisane de fleurs est agréable par son odeur et soulage douleurs et refroidissements grâce à ses propriétés diurétiques et sudorifiques. Les fleurs de tilleul servent aussi à aromatiser les limonades artisanales. L'aubier (partie du bois située juste sous l'écorce) est utilisé en phytothérapie pour son action de stimulation des fonctions rénales et hépatiques, notamment en cas de calculs biliaires.

 

Le tilleul est aussi une plante mellifère importante pour l'apiculture, car les abeilles sont friandes de son nectar abondant et parfumé. Le bois tendre du tilleul est par contre peu coté. Il convient seulement pour la sculpture sur bois ou pour la fabrication de crayons, d'allumettes et de touches de piano. Son écorce fibreuse, (la tille) peut remplacer le chanvre pour la confection de cordes. Le jute, autre fibre végétale bien connue, est d'ailleurs tiré d'une TILLIACÉE de l'Asie tropicale.

 

Le tilleul de Lajoux est un arbre de grande taille. Une statuette de la Vierge avait été installée il y a une centaine d'années dans l'une des infractuosités de son tronc, mais le bois l'a depuis recouverte... Cet arbre remarquable se trouve au milieu du village.


 Le Frêne (Fraxinus excelsior)

 

Le frêne appartient à la famille des OLÉACÉES qui regroupe entre autres le jasmin, le lilas, le forsythia, le troène et l'olivier. Le frêne se reconnaît à ses feuilles composées portant neuf à treize folioles et à ses bourgeons de couleur noire qui s'ouvrent tardivement. C'est une espèce à fort pouvoir colonisateur qui parvient à produire chaque année de nombreuses plantules.

 

Son bois dur et flexible est recherché notamment pour la confection de manches d'outils. Son écorce, riche en tanins, est utilisée dans l'industrie du cuir. Elle était autrefois très appréciée dans la pharmacopée traditionnelle pour ses propriétés fébrifuges, au point d'être utilisée en tant que succédané de la quinine.

 

Les feuilles de frêne ont également de nombreuses propriétés : tendres et nutritives, elles peuvent servir de fourrage pour le bétail, diurétiques et sudorifiques, elles sont efficaces contre la goutte et les rhumatismes et aromatiques, elles servent à fabriquer une boisson fermentée : la frênette.

 

Le spécimen de frêne visible aux Vacheries de Lajoux a été renversé, dans son jeune âge, mais il a surmonté ce déséquilibre grâce à un mécanisme adaptatif : il a transformé l'une de ses branches principales en point d'appui ce qui explique sa forme étrange. Il est ainsi parvenu à survivre et même à atteindre une taille respectable. Aujourd'hui, avec son tronc partiellement creux, son état sanitaire est médiocre. Pourtant, il résiste toujours et il lutte pour la vie.


 Le Sapin blanc (Abies Alba)

 

Les Franches-Montagnes se trouvent à un étage de végétation où le sapin devrait être plus fréquent que l'épicéa mais la pression du bétail l'a contraint à se raréfier.

 

Les plantules de sapin peinent en effet à croître sur les pâturages boisés, car leurs aiguilles souples dissuadent beaucoup moins le bétail que celles de l'épicéa qui sont très piquantes. Les grands sapins présents sur les pâturages boisés ont donc poussé sur des zones qui n'ont pas été pâturés pendant longtemps, ce qui leur a permis de grandir et d'échapper à la dent du bétail. Les sapins sont exploités pour leur utilisation dans la construction et la menuiserie. Ils sont par conséquent souvent coupés dès que leur diamètre devient économiquement intéressant. Pourtant, la tradition veut que les communes conservent le plus grand sapin de leurs forêts et qu'elles le laissent grandir librement. Ces arbres de taille remarquable sont parfois nommés "sapins présidents".

 

Le "président" de Lajoux se trouve dans les bois des Vacheries (à environ deux kilomètres du centre du village vers l'Ouest). 


 Le Douglas (Pseudotsuga menziesii)

 

Cet arbre exotique se distingue des résineux indigènes par son écorce liégeuse, rougeâtre et crevassée, ainsi que par ses longues aiguilles fines et souples exhalant une odeur d'agrume lorsqu'on les froisse.

 

Après les glaciations quaternaires, le douglas, s'est éteint partout, sauf en quelques endroits de l'Amérique du Nord. C'est de ce continent qu'il fut ramené au XIXème siècle, à la grande époque des expéditions scientifiques qui exploraient les zones encore mal connues de la planète et qui tentaient de découvrir de nouvelles espèces animales ou végétales.

 

Le nom commun et, scientifique de cet arbre rend d'ailleurs hommage à deux botanistes anglais qui ont découvert et introduit en Europe plusieurs espèces exotiques : Archibald Menzies (1754-1842) et David Douglas (1799-1834). Le douglas n'existait en Europe qu'à l'état de fossile. Il connut une réintroduction triomphante.  D'abord planté dans les jardins botaniques comme curiosité, sa valeur en tant qu'espèce forestière fut ensuite reconnue : bois de qualité, silhouette parfaitement rectiligne et croissance très rapide (un douglas pousse encore plus vite qu'un épicéa). On commença donc à l'utiliser en sylviculture. Aujourd'hui, c'est l'un des principaux bois d'oeuvre en Amérique du Nord et il est aussi fréquemment planté en Europe.

 

Les Douglas de Lajoux sont présents dans la forêt des Fiefs. C'est l'un des rares endroits aux Franches-Montagnes où pousse cette essence. 


 Le Noyer (Juglans regia)

 

Bien qu'originaire d'orient, le noyer est acclimaté depuis fort longtemps en Europe. Sa présence sous le climat et l'altitude des Franches-Montagnes est pourtant remarquable, car il est délicat et a besoin de beaucoup de lumière et de chaleur, ainsi que d'un sol fertile et profond.

 

Les deux noyers de Sous-La-Côte et de Montfavergier sont encore jeunes et petits mais ils fructifient déjà et promettent d'atteindre une belle taille. Les feuilles du noyer sont grandes, très odorantes et composées de sept à neuf folioles. Les noyers sont recherchés pour leur bois précieux et pour leurs noix, fruits à haute valeur nutritive et gustative que l'on peut consommer tels quels ou sous forme d'huile.

 

Les noix sont entourées d'une enveloppe charnue de couleur verte, le brou, qui noircît et se sépare en deux lorsque le fruit arrive à maturité. Le brou produit une teinture foncée servant à colorer les bois clairs.

 

Le noyer situé à proximité de la ferme de Sous-la-Côte a été planté par la famille Nussbaum. Il semble que cette famille ait voulu marquer son passage par cet arbre dont l'appellation allemande rappelle son nom. Cette ferme a également été impliquée dans une affaire qui a secoué les Franches-Montagnes entre les années cinquante et septante : en 1955, le département militaire fédéral (DMF) décida d'établir une place d'arme pour blindés dans les Franches-Montagnes et acheta des terres agricoles au prix fort. La population franc-montagnarde se mobilisa pour éviter toute affectation militaire à ces terres. Un front d'opposition organisa marches populaires et manifestations pacifques, mais la tension augmenta progressivement, aboutissant à la destruction par le feu de plusieurs fermes dont celle de Sous-la-Côte. En 1976, l'affaire fut réglée par un abandon du projet initial et la Confédération vendit les 289 hectares concernés aux trois communes des Genevez, de Lajoux et de Montfaucon (syndicat GLM) qui reconstruisirent les fermes incendiées.

 

Un magnifique mais encore jeune noyer est visible aux abords de la ferme "Sous-la-Côte". Accès par les Vacheries (à environ deux kilomètres du centre du village vers l'Ouest). 


Un dossier complet sur les Arbres Remarquables des Franches-Montagnes est disponible auprès du bureau de Jura Tourisme à Saignelégier (tél. 032 952 19 52). Il est composé d'une carte topographique détaillée, avec mention des lieux-dits, et d'un fascicule richement illustré d'où sont tirées les textes de ces pages.